septembre 22, 2024
Accueil » EtcétèraTour : quand la poésie s’empare de Kinshasa

Kasavubu, avenue Sport, devant l’espace culturel Miezi – un vendredi soir que l’on n’est pas prêt d’oublier. Le spectacle « Etcétèra », inspiré du recueil de poèmes éponyme de Youssef Branh, a secoué l’avenue, transformant l’ordinaire en un théâtre vibrant d’émotions, de satire et de symboles saisissants.

Trois tables, chacune porteuse d’un univers distinct, se dressaient comme des autels au cœur de la scène improvisée en plein air. Autour d’elles, les spectateurs devenaient acteurs, plongés dans une performance immersive, mêlant art poétique et théâtre social.

À la première table, Calvin Ngao, poète renommé, déguisé en politicien, vendait des aphrodisiaques et des stimulants en racines, dans des bouteilles en plastique. Une mise en scène qui flirtait avec la satire politique, révélant à la fois l’ironie et la fragilité du pouvoir, où l’homme politique est ici réduit à un simple vendeur de charmes et de superstitions.

À la deuxième table, un symbole fort : la religion. Une grande croix en objets recyclés trônait, et Negue Fly, la bouche bandée, y tenait une position de défi silencieux. Cette scène poignante a capté l’attention de la foule, évoquant à la fois le contrôle social, l’aveuglement collectif et le rôle ambigu de la religion dans une société en crise. Les applaudissements ont éclaté pour Negue Fly, soulignant la force visuelle et émotionnelle de sa performance.

Puis, à la troisième table, un autre monde s’ouvrait : celui de la rue. Youssef Branh, lui-même, déguisé en clochard, vendait des livres. Une image forte, symbolisant la marginalisation de la culture, la poésie qui survit aux marges de la société, à la merci des passants, des regards indifférents ou curieux.

La dernière table, quant à elle, représentait les soirées endiablées de Kinshasa : une mer de bouteilles de bières s’étendait, rappelant l’ivresse du quotidien dans une ville qui danse entre désespoir et festivité.

Le public, loin d’être de simples observateurs, a été rapidement happé dans l’interaction. À travers des jeux d’improvisation, les spectateurs se sont retrouvés propulsés sur la scène, devenant à leur tour des interprètes. Ce dialogue entre le public et les artistes a fait naître une énergie électrique, rompant la barrière entre l’art et la vie.

Ce spectacle de 50 minutes, à couper le souffle, est une véritable réussite. La mise en scène audacieuse et l’imagination foisonnante de Negue Fly ont captivé les esprits, laissant place à des discussions enflammées à la sortie. Pour le metteur en scène, l’objectif était clair : faire entrer le livre dans la ville, intégrer la poésie dans le quotidien des Kinois, là où les rues, les visages et les gestes ordinaires deviennent des vers vivants.

« Etcétèra » n’était pas seulement un spectacle, c’était une expérience, un miroir tendu à une société qui, tout en étant en proie à ses contradictions, ne cesse de vivre et de se réinventer.

En fin du spectacle, les artistes ont annoncé leur départ pour la ville de Mbanza-ngungu au Kongo-Central pour continuer la tournée et faire profiter à un public plus large.

Youssef Branh